Pays de la route de la Soie, joyaux de l’architecture islamique, l’Ouzbékistan est une ancienne république de l’ex URSS. Ouverte désormais au tourisme, il n’en reste pas moins que certaines régions sont totalement oubliées des circuits de découverte. C’est exactement là que Cédric Tassan a décidé de partir en exploration en solitaire, depuis Samarcande, jusqu’aux portes de l’Afghanistan, en passant par les montagnes.
Cela fait 30 minutes qu’avec Isabelle, ma femme, on s’efforce de tenter de peser mon vélo une fois totalement équipé. Mais la balance ne veut rien savoir, la mesure n’est pas stable. Pourtant c’est une donnée importante pour savoir si, une fois dans sa housse de voyage, le poids total autorisé du bagage ne sera pas dépassé. Un signe qui aurait du m’interpeller…
J’embarque et enchaine mes deux vols sans encombre jusqu’à Tashkent, la capitale ouzbek. Shavkat m’attend parmi la centaine de personnes qui s’excite autour des passagers qui sortent de l’aéroport. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. Nous avons seulement échangé par téléphone. Au loin je vois un gars qui lève le bras, cela doit être lui ! Je me fraie un chemin parmi tous ces locaux et suis Shavkat jusqu’à sa voiture. Il est tard, je suis déposé à l’hôtel, nous discuterons demain en voiture. Après une courte nuit, nous prenons la direction de Samarcande, une des villes de la route de la Soie située à 5h de voiture. Après des heures à longer un canal en béton bordé d’arbres et de champs, nous attaquons enfin une montée. Le paysage change puis nous entrons un peu plus loin dans Samarcande où je découvre la place du Registan. Là c’est vraiment une claque architecturale : construit il y a 600 ans, cet ensemble remarquable de l’art islamique est composé de 3 madrassas, des écoles coraniques et d’une mosquée, reconnaissable à sa coupole bleue éclatante. Les faïences sont magnifiques, fines, précises…
De mon aventure en Ouzbékistan, je compte ramener un documentaire. Je veux tenter de comprendre pourquoi ce pays est un des rares au monde à ne pas subir l’exode rural. En effet, les campagnes et les montagnes, malgré l’appel des sirènes de la consommation dans les grandes villes ne se sont pas vidées. Pour cela, j’ai emporté pas mal de matériel pour faire de l’image ce qui alourdi considérablement mon chargement : caméra avec objectifs, trépied, GoPro mais aussi un drone. Pour ce dernier, Shavkat a réalisé un tour de maître : il m’a dégoté une autorisation pour utiliser cet appareil dans ce pays où il est totalement interdit d’en ramener un ! C’est donc avec une satisfaction non déguisée que je fais mes premiers vols au-dessus du Registan en compagnie de la police locale médusée qu’un touriste étranger ait pu avoir cette faveur exceptionnelle !
Vient le grand départ. Je prépare mon matériel. Je fixe un maximum de choses sur mon SUNN pour en avoir le moins possible sur le dos. Le lendemain je quitte à Samarcande à 6h30 du matin. Malgré la tranquillité de la ville, j’ai à peine quitté mon hôtel que je manque de percuter un scooter ! Un avertissement en bonne et due forme. Désormais il faut être vigilant chaque seconde. Je sors de la ville pour de petites ruelles et suit une longue route tout droite où le trafic s’intensifie de minute en minute…
De l’horizontalité de la plaine, je passe subitement à la raideur de la montagne. Sous un soleil plomb, il fait plus chaud que prévu en ce mois d’avril, je grimpe la route chaotique puis la piste poussiéreuse sous le regard médusé des locaux. Je traîne doucement les 27 kg de mon vélo, c’est comme rouler en montage avec un gros VTTAE sans moteur… Un effort inhumain. Rapidement la piste s’arrête et laisse place à un sentier. Je suis surpris que cela arrive si tôt. Car il me reste plus de 1000 m de dénivelé à faire. Je poursuis par le magnifique sentier qui joue aux montagnes russes, la marque caractéristique des chemins ouzbeks… Je prends mon temps et m’aperçois que niveau nourriture, je n’ai pas grand-chose, juste de quoi assurer le pique-nique de midi. Il faudra bien atteindre ce soir le village que j’avais prévu. Après 300 m à remonter une magnifique rivière, je tombe sur des bergers. C’est aussi ma première rencontre avec des chiens féroces. Un des gars se propose de m’accompagner plus loin pour me guider, c’est un tadjik. De temps en temps, il veut pousser mon vélo, sa chemise gonfle de transpiration. Arrivés à une nouvelle cabane, il me montre la suite de l’itinéraire et décide de faire demi-tour. Il me laisse son bâton et m’explique qu’il me sera utile quand je croiserai des chiens. Ça promet. J’accroche le gourdin sur mon vélo et part seul dans la montagne.
Le sentier est peu marqué, je dois descendre dans le fond d’une rivière puis remonter par une pente horriblement raide et en partie effondrée. La chaleur m’écrase, je transpire énormément… Rapidement le sentier disparaît. Je comprends que sur les 700 m suivants je devrai grimper à travers les versants raides de la montagne, tout en me frayant un passage parmi les rochers et les épineux. Une tâche qui m’épuise avec un chargement totalement inadapté face à un tel relief. J’arrive au col, à plus 2000 m, après 1600 m de dénivelé éreintant… Il est 18h30. Le soleil se couche dans 30 minutes ! Je sais que je n’atteindrai jamais le village, je vais devoir bivouaquer et me contenter de très peu de nourriture et d’un demi litre d’eau… Ça sent la mission. Je quitte la crête exposée au vent et trouve un coin plus bas abrité. Je commence à récolter un peu de bois pour faire un feu quand 2 jeunes garçons sur des ânes entourés de chiens menaçants débarquent de nulle part. J’ai perdu mon bâton depuis un bon moment, j’espère que les bergers savent tenir leurs monstres. Ils s’approchent et de ce que je comprends m’invitent à les suivre jusqu’à leur campement. Nous descendons en convoi, les crocs des chiens à proximité de mes mollets, jusqu’à une petite crête où se dresse une bâche plastique en forme de tente. J’espère qu’ils ont un peu de nourriture car j’ai la dalle. Malgré leur insistance pour que je dorme sous la tente avec eux, je décide plutôt de m’installer la tête dans les étoiles juste à côté. Ils craignent que je n’ai froid. Mais je suis plutôt bien équipé. Les chiens commencent à s’habituer à ma présence. Je fais partie de la meute. Les 2 bergers, âgés de 14 et 15 ans m’offrent du pain et du thé. Je bois la théière presque tout entière. La nuit se passe sans encombre, un des molosses ayant décidé de se coucher à quelques mètres de moi.
Au réveil, thé et pain font office de petit déjeuner. Après avoir fait quelques images et leur avoir laissé une photo imprimée en souvenir, je les quitte pour attaquer une superbe descente sur une crête au milieu de rochers de granit fantastiques ! Du grand VTT ! Je suis heureux d’avoir découvert cette trace exceptionnelle qui me fait perdre quasiment 1000 m de dénivelé. A l’apparition du soleil, il fait déjà très chaud. Une fois dans la vallée, je continue de descendre le long d’une piste, croisant très régulièrement des locaux qui restent bouche bée. Je fais sensation. A la première supérette (mini Market ici) d’un village, je m’offre une bonne collation. Je repars et grimpe une petite route. Plus haut, dans la vallée, je quitte le goudron pour prendre à gauche et affronter la montagne une nouvelle fois. Là, une piste monte tout droit. Sous un soleil de plomb, je suis obligé de pousser, arc-bouté sur mon vélo, les mollets en extension. Je gagne mètre par mètre de montagne puis tombe sur une première barrière.
Hors de question de faire demi-tour, je l’ouvre et poursuis mon itinéraire. Je découvre une nouvelle barrière faite d’épineux. Comme je ne trouve pas comment l’ouvrir, je la démonte soigneusement plus la remonte après mon passage. Le sentier traverse à flanc de montagne, joue avec le relief. Voilà la première source de la journée ! Je dégaine ma gourde filtrante et rempli mes réserves. Je termine ma longue ascension à travers des dalles de granit, un passage délicat où je manque plusieurs fois de glisser. De l’autre côté, la délivrance est là, je n’ai plus qu’à descendre pour rejoindre la route et un hypothétique ravitaillement. Mais c’est sans compter une nouvelle barrière. Cette fois-ci c’est du lourd ! Ce sont des arbres qui ont été mis en travers ! Impossible d’imaginer rester bloqué. Même si cela doit me prendre des heures, je me fraierai un passage. Finalement je trouve la faiblesse de cette fortification et descend hilare d’avoir vaincu ce nouvel obstacle.
Quand j’arrive à la route, c’est la cohue. Je croise l’axe qui relie Samarcande à Shakhrisabz, une autre ville au patrimoine historique magnifique. Au col, des marchands vendent fruits secs et fromage. Je suis rapidement abordé par de nombreuses personnes dont un journaliste intéressé par mon aventure Je tente de trouver un restaurant mais il n’y a qu’une échoppe qui vend un peu de nourriture. J’achète du pain, du fromage, fais le plein d’eau et repars dans la montagne. Face à un vent déchaîné, je me traîne, la fatigue ayant pris le dessus et n’ayant toujours pas fait un vrai repas… La fin de journée me rattrape, je cherche désespérément un coin à l’abri.
Au petit matin, je torpille ce qu’il me reste de vivres puis reprend la route. Les montagnes russes reprennent : descendre dans un ravin, monter en face. L’heure tourne et le ventre se creuse. Je croise des troupeaux de vaches, je rêve de les faire à la broche… Enfin j’attaque une longue descente qui me mène aux portes d’un village. A la première maison, j’accoste un homme fusil à la main, assis sur un muret. Je lui demande où je peux trouver de quoi manger. Sa réponse est limpide : « chez moi ! ». Mahmut m’invite à rentrer. Sa femme nous ramène des œufs succulents, du beurre, du kéifir (kaïmok), du pain. Un festin ! Après un échange de numéros de téléphone et de photos, je quitte Mahmut et sa famille. Je trace en direction de la plaine. Le thermomètre affiche plus de 30 degrés.
Après plus de 80 km, il est temps de chercher un coin pour la nuit. J’alpague un groupe de jeunes. Le tenancier du restaurant local se propose de m’accueillir. Il m’installe alors dans une des alcôves. C’est frais, un canal coule sous la table et je donne sur l’extérieur. Je demande à prendre une douche après 3 jours dans les mêmes affaires, à passer 11h sur le vélo. J’ai le droit à un grand seau à d’eau tiède. Mon hôte me propose ensuite 2 somsa, des friands à la viande. Je me délecte puis enchaîne sur le repas. On me promet des brochettes qui n’arrivent pas. Quand on m’appelle pour venir voir le sacrifie d’une chèvre, je pense qu’elle finira en brochette. Aucunement, une fois scalpée et vidée, elle sera pendue devant le restaurant pour attirer les clients du lendemain ! Il est 23h, les brochettes n’arrivant pas, je fais comprendre à mon hôte que je file me coucher !
Au réveil, je décide de ne pas trop traîner pour profiter de la fraîcheur matinale. Je demande combien je dois. Là mon hôte me répond en tapant sur mon téléphone « nous n’acceptons pas d’argent de nos invités, nous sommes ouzbeks » Tout est dit ! Je pars, battant la campagne, direction les montagnes. Lorsque la route s’arrête, au fond de cette vallée, je poursuis par un sentier dans une gorge. Le torrent gronde et je remonte le sentier qui parfois joue aux équilibristes au-dessus des flots : des passerelles rudimentaires accrochées à la falaise assurent la continuité. Le sentier grimpe fermement dans un décor exceptionnel. Je perçois au-dessus, dans une faiblesse géologique, une maison ! C’est ma destination finale, mais elle est encore loin. Quand je sors du canyon, je suis rattrapé par le soleil. Les maisons se rapprochent.
Après un passage sur un dalle, le sentier oblique à droite et gagne le plateau incliné de Zarmas. Je tombe sur un champ où des hommes s’affairent autour d’un tracteur antédiluvien. Je me manifeste, ils sont bien surpris de voir un touriste ici. Je suis invité à sauter le muret de galets et à les rejoindre. Je m’exécute et me retrouve allongé dans l’herbe à regarder le tracteur labourer le champ pour la future plantation de pommes de terre. Quand dans un ouzbek très approximatif, je demande où dormir, Jumla, le plus ancien de la bande se propose immédiatement de m’accueillir. Je peux me détendre en contemplant la beauté des lieux, j’apprends qu’aucun touriste n’est jamais monté ici. Quand nous rejoignons la maison de Jumla, je comprends très vite que le village de Zarmas est comme un village oublié, un lieu où le temps s’est complètement arrêté.
Ici point de route, mais des maisons éparpillées à 2000 m d’altitude dans un paysage éblouissant. Chez Jumla c’est l’arche de Noé : tout est fait pour vivre en autonomie et affronter la rigueur extrême de l’hiver. J’entre dans la pièce principale. Ici toute la petite famille composée de 4 enfants vit a l’abri. Nous dînons de pommes de terres, coulis de tomates, viande et pain chaud sorti du four. Nous passons la soirée à discuter. Je loue la technologie de Google qui me permet de traduire, même de manière approximative, nos échanges. Je comprends que Delbah, la femme de Jumla, vient de Shakhrisabz et qu’elle a suivi son mari ici. Elle m’explique qu’elle préfère vivre ici car en ville tout est cher. Alors qu’à Zarmas, ils vivent de peu et ont tout sous la main : eau, nourriture, ils sont autonomes. Il y a même une école et un médecin. Je passe la nuit ici dans ce bout du monde oublié.
Au réveil, tous souhaitent que je reste avec eux, que je passe encore une nuit ici et que je plante les pommes de terre. C’est avec regret que je leur annonce devoir partir. J’ai un itinéraire à tenir, Shavkat doit me récupérer en fin de semaine en un endroit précis. Je pars dans la montagne, heureux que désormais le relief m’autorise de bons moments de pédalage. Pour le déjeuner, je n’ai que des fruits secs et un bout de pain. Alors que je m’approche du col, la neige fait son apparition. Cela fait des jours que je la vois de loin. C’était ma crainte originelle, venir trop tôt et être bloqué par la neige. Un berger qui redescend m’indique que sur ce versant il y a quelques passages délicats. Mais une fois de l’autre côté, plein sud, le sentier est dégagé. Une grosse congère de 4 m de haut me barre le chemin. Je laisse mon vélo et me met à tailler des marches. Une fois en haut, je redescends chercher mon matériel et grimpe en soufflant comme un bœuf. Au sommet, je savoure cette première victoire.
Plus haut un deuxième névé se franchit facilement. J’atteins le col à 2700 m. Des ruisseaux issus de la fonte de la neige glougloutent dans les alpages. De l’autre côté, je trouve un joli sentier que je dévale rapidement. L’heure tourne et par expérience je sais que je ne dois pas arriver trop tard au prochain village si je veux trouver où dormir. Le sentier file sous mes pneus. Je suis vraiment heureux d’avoir trouvé de si beaux chemins. Avec moins de poids, ce serait encore mieux. Etant seul, je dois redoubler de vigilance : la chute m’est totalement interdite. Sans compter que je ne dois rien casser ! Je roule sur un vélo XC en plus bien chargé sur un terrain ou un bon All mountain serait ideal. Prudence donc. Plus bas, je tombe sur 2 gars. Directement j’aborde ma requête pour la nuit. Commence une série de palabres auxquelles que je ne comprends pas un traitre mot ! Ils me pensent bilingue ? L’un d’entre eux me demande mon téléphone pour appeler quelqu’un. Rapidement il me passe l’interlocuteur qui ne parle aucun mot d’anglais. Que lui dire ? Pas grand chose, on finit par raccrocher. Mes 2 acolytes me proposent de descendre avec eux. Je pense à tort que je vais dormir chez l’un d’entre eux. Mes espoirs s’envolent quand je comprends que l’on vient juste de passer la maison de l’un des 2 ! On rejoint un groupe d’hommes qui travaillent à la construction d’une maison. Mon cas est étudié de manière collégiale puis un visage s’éclaire, ce sera mon hôte du soir. Nous descendons à sa maison. La soirée est paisible mais très silencieuse. Les échanges se limitent à des sourires. Nous dînons en compagnie des gars du chantier. Je file me coucher.
Nouvelle journée sur le vélo : je longe de nombreuses petites maisons où très régulièrement des chiens se jettent sur moi. Maintenant j’ai l’habitude. J’adopte l’attitude locale : intonation et élément de langage ouzbeks, intimidation physique, les monstres se carapatent et se transforment en carpets ! En passant devant une école, je suis interpellé par l’équipe enseignante. Tapis rouge, on m’invite à une visite. J’entre dans l’établissement composé de 2 bâtiments et qui accueillent jusqu’à 150 élèves. Le directeur me reçoit en russe autour d’un thé, gâteaux, pain et viande. Moi qui avais manqué de nourriture les premiers jours, c’est désormais l’opulence !
Après la rituelle séance photos, je quitte les lieux et poursuit la traversée de ces petits villages en enfilade. Après 2 km, une porte s’ouvre et un homme m’interpelle. Souriant, il me demande de rentrer. Je ne peux refuser. On s’installe sous le préau de la maison. Baxriddin me présente sa famille : sa femme Saida et son fils Shahruh. C’est une rencontre pleine d’énergie, de rires, de blagues. Issue de Samarcande, cette famille a fui la vie chère pour retrouver un mode de vie plus simple, proche de la nature et de ses ressources en abondance. Un retour aux origines de l’être humain qui fait sens. Quand je prends la décision de partir, la famille souhaite que je reste dormir. Je suis tiraillé, mais je n’ai fait que 7 km aujourd’hui ! Le cœur triste, je reprends la route. Je grimpe à travers des grasses prairies puis des forêts éparses de magnifiques genévriers. Plus haut, je me rends compte que je ne suis pas sur le bon sentier. Tant pis, j’improvise en partant droit, hors sentier. C’est l’évasion, je fraie mon chemin jusqu’à la crête à 2500 m.
De là, une longue traversée d’altitude me ramène au col. Je bascule versant sud, un superbe sentier dans les alpages peuplés de vaches m’amène à une traversée typique ouzbek : comment casser les jambes ? Il n’y a pas mieux, je monte, je descends, je monte, je descends sur 8 km ! Au bout, j’enchaine avec la descente dans le but de trouver un gîte pour la nuit. Je croise un cavalier qui m’interpelle. Commence exactement la même scène que la veille : palabres, coup de téléphone… Cette fois-ci je ne perds pas mon temps et file. Je descends rapidement au village, il fait bientôt nuit. 2 hommes en longs manteaux, chapeaux ouzbeks arborent un large sourire constellé de dents en or. Un des 2 accepte de m’accueillir. Je grimpe vers la maison et quand je passe le pas de la porte, c’est le coup de cœur ! La plus belle des maisons m’accueille pour ce dernier soir de mon aventure : une simplicité incroyable dans la construction et des matériaux naturels sautent aux yeux. Les murs sont en torchis. Le plafond fabriqué avec des planches de genévriers issus de la forêt du coin donne la dernière touche. Aucun meuble si ce n’est que la petite table qui accueille une vielle télé cathodique.
Mon hôte n’est pas très bavard. Sa femme un peu suspecte au début, devient de plus en plus souriante. Je suis épiée en permanence par les 5 enfants du couple. Ils n’ont jamais vu d’européen. Je décide d’animer la soirée et me lance dans une série de questions grâce à Google Translate. Le courant prend, les rires fusent. Nous passons une agréable soirée. J’apprends que le père est professeur d’ouzbek à l’école et que certains enfants veulent rester vivre ici quand d’autres souhaitent rejoindre Samarcande. A en croire les bâillements, mes hôtes veillent et font honneur à leur invité. Finalement vers 22h, tout le monde file au lit. Ma chambre est d’un confort absolu : des tapis au sol et toujours la beauté des matériaux naturels. Je dors jusqu’au lever du jour.
Certains gamins sont déjà au travail : soigner les chèvres, s’occuper du jardin… Le pain se prépare en cuisine. J’assiste à cette fabrication ancestrale. Dans une immense timbale, le pain est pétri avec force. La maman, épaulée de sa plus jeune fille, lui transmet son savoir-faire. Le petit-déjeuner est servi. Là encore je suis invité à rester plus longtemps. Je décline à nouveau car je veux rouler pendant qu’il ne fait pas trop chaud. Je quitte cette famille adorable et trace mon chemin dans la campagne ouzbek. En voyant le relief, je sens que c’est la fin de la montagne. Plus rien ne me barre l’horizon, je ne fais que descendre.
Après 20 kilomètres, je rejoins le goudron. L’environnement est beaucoup plus aride. Juste après, j’entre dans la dernière région du pays que je visiterai : après celle de Samarcande, de Kashkadaria me voici dans le Sourkhan-Daria. Je file à travers une défilé rocheux digne des gorges du Verdon. Un dernier accueil chez un couple qui vit au bord de la route puis je donne les derniers coups de pédales. J’ai quitté subitement le vert tendre des alpages pour trouver la poussière et les cailloux. La montagne est derrière moi, j’entre dans le village de Darband, ma destination finale non loin de la frontière afghane. Je referme ce chapitre ouzbek qui marque déjà ma 3e visite d’un pays d’Asie Centrale. Je suis profondément marqué par cette dernière aventure, sportive et surtout humaine. Les ouzbeks auraient semble-t-il de l’avance sur une bonne partie de l’humanité ? Car dans un monde où tout va trop vite, où l’homme s’entasse dans la ville pour bien souvent encore plus de précarité, ici en Ouzbékistan, cet ancrage au plus proche de la nature, consommant strictement ce qui est nécessaire pourrait devenir le salut pour une humanité en détresse.
Infos pratiques :
- Y aller : vol direct depuis Paris ou avec escale depuis la Province. En général Turkish Airline propose les meilleurs vols. Pour le transport du vélo, il est conseillé d’utiliser une housse adaptée.
- Décalage horaire : + 3 heures
- Formalités : aucun visa, passeport obligatoire.
- Argent : la monnaie locale est le SUM. 125 000 = 10,25 euros. A titre d’info, on mange correctement pour 4/5 euros.
- À voir / à faire : les mythiques villes de la route de la Soie : Samarcande, Boukhara, Khiva. Plusieurs choses sont à voir à Tashkent dont notamment l’un des 4 corans originels qui existent encore dans le monde.
- Agence : je ne peux que vous conseiller de faire appel à une agence locale. Pour ma part, j’ai utilisé les services de Arts et Désert, gérée par Shavkat Ramazonov. Parlant parfaitement français, Shavkat est d’une gentillesse remarquable. Il se mettra en 4 pour vous organiser votre voyage. A contacter de ma part via WhatsApp ou Telegram : +998 97-282-20-82. Il est aussi actif sur Instagram et Facebook.