Mira Rai, d’enfant soldat à traileuse de haut niveau

Considérée aujourd’hui comme l’une des meilleures traileuses de la planète, Mira Rai a un parcours unique. Enfant soldat pendant la guerre civile, la Népalaise a découvert le trail par hasard. Une discipline qui a changé l’histoire de sa vie.

Juin 2015, sur la course des 80 km du Mont-Blanc. Le plateau est relevé sur cette épreuve de référence dans le monde du trail mais c’est un nom quasiment inconnu qui émerge en première position de la course féminine après 12h32 d’effort. Mira Rai a 26 ans, elle est Népalaise et dispute alors la première course d’envergure de sa carrière en Europe, continent le plus compétitif dans la discipline. Avec 22 minutes d’avance sur sa plus proche poursuivante, Mira Rai frappe un grand coup dans l’univers du haut niveau et revient surtout de très loin, elle qui tenait dans ses bras un fusil 12 ans plus tôt.

Née en 1988 à Bhojpar au Népal dans une famille qui est rapidement marquée par la guerre civile (1996 – 2006), Mira est confrontée à la pauvreté et décide à l’âge de 15 ans de rejoindre les insurgés du Parti communiste en tant qu’enfant soldat. Loin de vouloir défendre une cause, la jeune fille espère surtout aider sa famille à subvenir à ses besoins pendant la guerre civile népalaise. « Les rebelles maoïstes ont traversé mon village » explique-t-elle dans un documentaire que Red Bull lui a consacré (voir ci-dessous). « Pour nous enrôler dans leurs rangs, ils nous ont promis deux repas par jour. J’ai donc décidé de quitter mon village pour les rejoindre en tant qu’enfant soldat. » Gardienne de sécurité au sein de l’armée, Mira n’a jamais été en contact avec la ligne de front. Mais c’est là-bas qu’elle se découvre une passion pour le sport. « Chaque matin je courais, j’enchainais sur des exercices et des entraînements avec l’armée. Je m’entrainais pour le saut en hauteur, le saut en longueur, la course et même le karaté. »

Une fois la paix signée en 2006, Mira revient dans son village, deux ans après l’avoir quitté. Encore mineure pour quelques mois, elle ne peut entrer dans l’armée népalaise. Ce n’est que huit ans plus tard qu’elle décide finalement de quitter son village natal pour Katmandou, la capitale népalaise. « Je voulais une vie au-delà de ce que le village offrait. J’avais expérimenté différentes valeurs pendant mes années à l’armée. Je voulais avoir la vie d’une femme népalaise libre et forte. »

Dans la capitale, son jour de chance intervient lorsque des soldats la voient courir dans le parc national de Shivapuri Nagarjun et remarquent ses facilités dans l’exercice. « Quand ils m’ont invitée à les rejoindre le week-end suivant, je savais que je devais être présente au rendez-vous. » Une semaine plus tard, Mira participe à la première course de sa vie, un 50 km sur lequel elle est la seule femme au départ. Malgré une fringale au 40ème km pour s’être mal alimentée, elle termine la course et découvre le plaisir de courir sur de longues distances. Elle est repérée ce jour-là par l’organisateur de l’événement Richard Bull qui décide de l’aider pour lui permettre de s’entraîner davantage.

La jeune femme commence à performer sur les courses locales et participe à sa première épreuve en Europe en 2014 sur les 57 km de la Sella Ronda. Elle l’emporte et enchaîne 15 jours plus tard avec une nouvelle victoire sur l’Ultra Trail Degli Eroi (87 km). Son destin est en marche. En 2015, elle remporte les 80 km du Mont-Blanc et repart du vieux continent avec un prize money de 1 000 euros, « suffisant pour faire vivre quelqu’un pendant un an au Népal » raconte Martina Valmassoi, community manager chez Salomon, marque qui a consacré un documentaire à Mira Rai (voir ci-dessous).

Désormais sponsorisée par Salomon, Mira Rai est toujours installée à Katmandou et revient deux ou trois fois par an dans son village natal. Modèle pour les femmes népalaises, elle a fondé l’organisation Mira Rai Initiative qui vient en aide aux jeunes coureuses de son pays. « Le fait d’être née dans un village reculé, d’avoir été une combattante maoïste et d’avoir découvert la ville sur le tard m’a poussé à le faire » explique-t-elle. « Je veux qu’elles aient de bonnes bases. Qu’elles puissent prendre part à des cours d’anglais, qu’elles aient accès aux études supérieures, qu’elles profitent de bonnes conditions d’entraînement et qu’elles aient un soutien psychologique. Chaque année, nous accueillons cinq nouvelles coureuses. Et nous avons déjà deux groupes de filles dans la Mira Rai Initiative. » Des filles qui auront la chance de ne jamais tenir un fusil dans leurs mains.