Oscar Mandin : « Le Bec des Rosses, c’est une sensation de vide tellement c’est raide »

Quatrième du dernier Xtreme de Verbier, compétition de référence dans l’univers du ski freeride disputée sur la célèbre face du Bec des Rosses, Oscar Mandin revient pour We Rock Sport sur cette finale de la saison et raconte sa vie de rider pro sur le circuit du Freeride World Tour.

Pour la première fois depuis six ans, l’Xtreme de Verbier a été lancé cette saison depuis le sommet du Bec des Rosses. Cette face, qui culmine à 3 223 mètres d’altitude dans les Alpes suisses, est un mythe pour les skieurs et snowboardeurs freeride. Un monstre de 600 mètres de dénivelé sur lequel même les meilleurs éprouvent ce sentiment de vertige quand ils sont au sommet, prêts à dévaler ces pentes qui atteignent 50 degrés d’inclinaison sur les endroits les plus raide. Parmi les riders engagés cette année, le Français Oscar Mandin a réalisé l’un des plus beaux runs de cette édition disputée le 22 mars dernier. Parti en premier de cette finale du Freeride World Tour, le skieur de 26 ans a réussi à poser deux backflips après une première partie de run parfaitement négociée sur la partie la plus raide de la face. Le rider de Morzine-Avoriaz raconte cette première fois pour lui sur le Bec des Rosses.

© J.Bernard / FWT

Oscar, cette montagne est-elle aussi impressionnante à rider que sa légende le laisse imaginer ?

Ce Bec des Rosses, c’est effectivement vraiment quelque chose. Il faut savoir que deux jours avant la compétition, tous les skieurs et snowboardeurs ont été héliportés au sommet. Sur les 11 skieurs engagés sur cette finale, aucun n’avait déjà fait la compétition en s’élançant depuis le sommet. Les organisateurs voulaient être certains que l’on aurait le temps de faire les meilleurs repérages possibles sur cette face. En haut, la première sensation, c’est le vide car c’est tellement raide. Clairement, ça fait peur. Sur les autres faces, c’est davantage ta ligne et tes tricks qui créent le risque. Ici, l’erreur n’est pas permise, avec le dénivelé qui est dingue. L’objectif, c’est surtout d’éviter une chute que tu ne pourrais pas arrêter avec l’inertie tellement c’est pentu.

Comment as-tu choisi ta ligne ?

Après avoir longtemps étudié la montagne et l’avoir regardé aux jumelles, j’ai choisi ma ligne et j’en ai parlé à mon coach Seb Michaud, qui est un ancien skieur pro qui a lui aussi évolué sur le Freeride World Tour dans les années 2000 et 2010. Il connait très bien cette face pour l’avoir déjà ridé (Ndlr : Il a d’ailleurs remporté l’Xtreme de Verbier en 2005). Alors quand quelqu’un comme lui te donne ton feu vert pour la ligne que tu as choisie, ça met forcément en confiance. Au final, je suis allé sur la droite quand on regarde le Bec des Rosse depuis le bas. J’ai notamment sauté une cliff (barre rocheuse) qui s’appelle « la De le Rue » et qui a été ouverte par le snowboardeur Xavier en 2010. Elle n’avait été sautée qu’une seule fois par un skieur jusqu’à maintenant. Mon objectif, c’était d’utiliser le plus possible la montagne en choisissant une partie très raide et technique en haut et plus freestyle en bas avec mes deux backflips. Au final, je termine quatrième. Une médaille en chocolat, c’est forcément toujours un peu de déception, mais je suis fier du ski que j’ai montré. Je suis allé dans une zone raide où je n’ai pas l’habitude forcément de skier car je suis plus vu comme un rider qui performe dans le freestyle. Au classement général, je suis huitième avec une année où j’ai réussi mes backflips et où j’ai sauté plus gros, mais j’ai manqué de régularité pour viser plus haut.

Comment es-tu encadré tout au long de ta saison ?

En plus de mon coach qui est avec moi sur les épreuves, j’ai un préparateur mental, un préparateur physique et un ostéopathe qui me suit l’hiver. Les athlètes du circuit mondial ont à peu près tous ce type de structure. C’est un sport qui se professionnalise de plus en plus, notamment car il a l’ambition d’aller aux JO de 2030.

Et comment s’entraîne-t-on quand on est rider freeride ?

Je fais déjà beaucoup d’entraînement physique en passant des journées à la salle de muscu, un peu comme les alpins. On reprend le ski un peu plus tard qu’eux au début de la saison, mais dès que les grosses chutes de neige arrivent, on est dehors. On regarde où sont les barres rocheuses, on essaye de se pousser avec d’autres riders avec qui on part skier ensemble. Cette année, je me suis pas mal entraîné à Verbier justement au mois de janvier. J’avais des copains du Freeride World Tour qui étaient là, ils m’ont montré leur coin et j’ai pu aller rider des spots que je connaissais moins. C’est toujours très utile d’aller voir ailleurs pour continuer à progresser. Je viens de Morzine-Avoriaz, je suis né là-bas et je continue évidemment de skier sur mes spots locaux, d’autant que le lieu s’y prête bien. Le mois dernier, Avoriaz a d’ailleurs organisé une étape du FWT Challenger qui permet aux riders de se qualifier pour le Freeride World Tour.

Outre le ski, tu pratiques aussi beaucoup le VTT.

Je fais un peu de vélo de route et beaucoup d’enduro effectivement. J’ai l’avantage d’avoir un sponsor (Rossignol) qui fait des skis et des vélos, donc c’est l’idéal pour moi. C’est ma deuxième passion. Le VTT, ça va être plus récréatif, mais ça me fait la caisse en montée notamment. Il y a deux ans, j’ai participé à deux étapes des Enduro World Series. C’était top, mais ça demande tellement d’entraînement, de préparation et d’engagement que c’était un peu trop risqué pour moi donc j’ai calmé le jeu sur les compétitions de VTT.

As-tu déjà des plans pour ton après-carrière ?

J’ai un Master de Finance que j’ai validé à HEC Lausanne. C’est ma maman qui m’a toujours dit qu’il fallait avoir un matelas de sécurité si ça ne marchait pas dans le ski. Je ne suis pas sûr de retourner un jour dans la finance, mais je devrais bien arriver à retomber sur mes pattes, dans l’industrie du ski ou ailleurs, on verra. Pour l’instant, je me concentre à fond sur la compétition et ma carrière.

© D.Daher / FWT