Le temps de l’étape de ce samedi 20 juillet entre Nice et le Col de la Couillole, We Rock Sport a passé une journée avec les équipes de Krys. Entre jets de milliers de bobs, timing serré et beauté des cols des Alpes-Maritimes, plongez au cœur d’un convoi qui attire chaque année 12 millions de spectateurs.
« Attention les gars, il y a un melon et une fraise qui descendent le col pleine balle ». Non, on n’est pas en train de rêver quand on entend cette phrase prononcée à la radio par Thierry, chef caravane Krys sur ce Tour de France 2024. Alors qu’on dévale le col de Braus, première difficulté de cette 20ème étape menant les coureurs de Nice au Col de la Couillole, c’est bien une fraise géante et un melon, dont les structures sont posées sur des quads, qui nous doublent dans les virages escarpés de ce col reliant les villes de l’Escarène et de Sospel. Bienvenue sur la caravane du Tour de France, où les chars improbables sont nombreux parmi les sponsors de la plus grande épreuve cycliste au monde. Au départ à Nice, ils sont tous regroupés sous l’immense verrière du Palais des Expositions. L’endroit suffit juste à caser les 150 véhicules de ce convoi ultra coloré et où chacune des 33 marques rivalise de créativité pour ne pas passer inaperçue devant les millions de spectateurs qui se massent le long des routes du Tour.
Il faut dire que la caravane est un monument de l’épreuve, instaurée officiellement pour la première fois en 1930, deux ans après que la marque de chocolats Menier ait eu l’idée de distribuer les premiers produits au public lors du Tour 1928. De six véhicules en 1930, on est donc passé aujourd’hui à un cortège de 10 kilomètres de longueur, circulant deux heures avant l’arrivée du peloton. 570 caravaniers sont mobilisés pour distribuer 10 millions de cadeaux sur l’ensemble de l’épreuve. Sur le bord des routes, les spectateurs sont d’ailleurs 47% à reconnaitre venir voir le Tour de France en priorité pour la caravane et non pour les coureurs. De son côté, Krys fait partie des cinq partenaires majeurs du Tour de France (aux côtés de Skoda, E. Leclerc, Continental et LCL) et cumule 10 ans de parrainage du Maillot Blanc (ainsi qu’un partenariat avec le Tour de France Femmes jusqu’en 2026).
Au sein de la grande famille des caravaniers du Tour de France, l’opticien a d’ailleurs un rôle particulier juste avant que les 150 véhicules s’élancent sur le parcours. Au Palais des Expositions, il est passé 10h ce samedi matin et Hughes, l’animateur qui tiendra le micro sur son char pendant toute l’étape, explique son rôle particulier : « Quand je suis arrivé sur mon premier Tour de France il y a 14 ans, j’ai eu l’idée de m’inspirer de ce que je faisais au Club Med, à savoir mettre en place une petite danse pour motiver les troupes. Ça durait une minute, il y avait trois ou quatre pas à savoir et c’est parti comme ça. Tout le monde a été emballé et depuis, c’est devenu une tradition avant chaque étape avec une vraie chorégraphie que j’apprends aux autres caravaniers. ASO (organisateur du Tour de France) met d’ailleurs les équipes de Krys un peu à part lorsqu’on se regroupe pour que tout le monde puisse venir devant notre char. » Et effectivement, quelques minutes plus tard, un attroupement se forme rapidement vers les véhicules blanc et bleu. Hughes motive les troupes au micro. L’ambiance monte en même temps que la sono qui crache les derniers hits du moment et se termine avec plusieurs cris de guerre. Tout le monde repart le sourire aux lèvres et certains versent même quelques larmes pour cet avant-dernier jour de Tour. « Les caravaniers, c’est une grande famille et trois semaines suffisent largement à souder des liens forts » explique Hughes.
Il ne faut pas cinq minutes une fois ce moment festif terminé pour que tout le monde rentre dans les voitures. « Avec ASO, le timing doit être respecté à la minute près » explique Thierry, le chef caravane Krys. « Ils ont cette réputation d’être très stricts sur le timing et si tes véhicules sont en retard, on ne t’attendra pas et la caravane partira sans toi ». Dans un balai parfaitement organisé, les bouteilles géantes d’huile d’olive, bac de lessive de quatre mètres de long et autres poulets de la taille d’une camionnette, sortent dans le même ordre que celui établi au départ du Tour. Dans les rues de Nice, le public est déjà nombreux, massé avant même la ligne de départ fictive depuis le quai Entrecasteaux. La vitesse du convoi est impressionnante et Hugo, qui pilote le van dans lequel on a pris place pour la journée, ne traîne pas vraiment en route pour coller au véhicule qui le précède. Une fois la Promenade des Anglais passée, noire de monde, on se dirige vers la ligne du départ réel et la distribution des 20 000 bobs Krys débute enfin par les cinq véhicules de la marque.
Sur la nacelle à l’arrière du véhicule, Lise est chargée d’envoyer les cadeaux dans le public avec l’objectif prioritaire mais pas toujours facile à respecter à cette vitesse, de ne pas viser les têtes. En fin d’étape, les cartons doivent être vides, alors les bobs sont jetés par poignées et le public en redemande, se précipitant par terre pour ramasser ces précieux goodies offerts par la caravane du Tour de France : « On doit vraiment être vigilants, car les spectateurs ne sont parfois concentrés que sur les cadeaux et oublient vite que d’autres véhicules arrivent » explique Hugo qui vit son premier Tour de France dans la caravane. « Les bobs peuvent voler et aller sur la route, ce qui n’empêche pas les gens d’aller les ramasser. » À 21 ans, Hugo est étudiant en graphisme à Lyon et a découvert l’univers du cyclisme sur ce Tour de France, lui qui est davantage branché foot. « Sur la première étape où j’ai conduit le van, on a eu droit au Galibier et c’était la folie avec le public. Les gens tapaient sur la voiture, même si c’était toujours dans la bienveillance. C’était impressionnant, il y avait des personnes qui glissaient sur la route devant moi, donc je devais vraiment être vigilant. Mais comme on roule lentement, surtout dans les cols, on a le temps de réagir et d’éviter l’accident. » Avant le Tour, les conducteurs de la caravane sont d’ailleurs formés le temps d’une journée pour se familiariser avec le véhicule qu’ils conduiront tout au long des trois semaines d’épreuve.
Sur cette avant-dernière étape menant au Col de la Couillole, le Col de Braus et celui du Turini sont également au programme et les lacets sont noirs de monde. Mais tout le monde a le sourire, les yeux rivés en l’air sur les « hôtesses distributrices », qui continuent de faire voler les bobs de chaque côté de la route. Pour les caravaniers, pas de pause possible pendant cette étape, tout le monde enchaîne et roule les 133 km au programme d’une seule traite. Autant dire qu’il faut bien calculer son timing pour aller aux toilettes juste avant le départ de la caravane. Et côté fatigue, ces quatre ou cinq heures à rouler sur les cols des Alpes-Maritimes se font ressentir sur les organismes. « À la fin d’une étape, tu ressens la même chose qu’après une grosse journée de ski » explique Hughes qui n’aura lâché son micro que lors des descentes des cols, que les spectateurs désertent pour privilégier les ascensions. Quant aux deux journées de repos que compte le Tour de France, « elles nous permettent de souffler, même s’il y a de la logistique à faire ce jour-là » précise Hughes indiquant également que la veille de chaque journée de repos est consacrée à une belle fête « qui nous permet aussi de décompresser ».
Le Col de la Couillole passé et l’arche d’arrivée franchie, la caravane du Tour ne s’arrête pas et attaque la descente de l’autre côté pour repartir tout de suite à Nice. « On a vu les coureurs arriver trois fois sur les trois semaines d’épreuve » explique Hugo. « Si tu penses voir la course en candidatant comme caravanier, ce n’est pas le bon plan. » Dans la descente attaquée à pleine vitesse, le convoi Krys fait une petite pause de 10 minutes pour (enfin) soulager quelques envies et enlever les enjoliveurs publicitaires des roues des véhicules « qui risquent de se faire la belle si on roule à plus de 100 km/h » explique Thierry, le chef caravane. Dans les camions, les cartons sont vides. Il faudra encore écouler quelques bobs lors de la dernière étape ce dimanche pour un total de 450 000 chapeaux donnés au public par les 11 caravaniers Krys. Et il y a fort à parier que tous trouveront facilement preneur. Comme en 1930 avec les plaques de chocolat Menier…