Revenu depuis un an à la compétition en ski alpinisme, Mathéo Jacquemoud a récemment participé aux mondiaux et à la Pierra Menta. Celui qui est aussi guide de haute montagne évoque la gestion de sa carrière, sa vie proche de la nature et son amour intact de la montagne.
Au moment où on l’appelle, Mathéo Jacquemoud est deuxième sur la Pierra Menta après deux journées. On ne le sait pas encore, mais la météo obligera le lendemain les organisateurs à annuler la troisième étape prévue le 10 mars. Le brouillard, la pluie, la grêle et des rafales allant jusqu’à 100 km/h empêchent la mythique course de ski alpinisme de se dérouler normalement. Les athlètes sont donc mis au repos forcé une journée. Une première dans l’histoire de la Pierra Menta. Le quadruple champion du monde et son coéquipier Samuel Equy devront patienter 24 heures avant de reprendre la course samedi. « La place de premier est prenable » explique-t-il alors, « mais on peut très bien terminer quatrième ou cinquième également… ».
Il achèvera finalement cette édition 2023 à la troisième place regrettant de ne « pas avoir eu l’occasion de nous exprimer sur la dernière journée raccourcie ». En attendant de le retrouver sur une prochaine course ou lors d’une expédition, on a sollicité l’athlète The North Face pour évoquer la gestion de sa carrière avec son rôle de père de famille qu’il est désormais, son récent retour à la compétition en ski alpinisme et ses aspirations environnementales.
Le retour à la compétition
« L’année dernière, j’ai repris la compétition après une pause de cinq ans. Ça me titillait quand j’étais entraineur de l’équipe de France de ski alpinisme. Finalement, je me suis décidé à remettre un dossard et ça m’a aussi permis de retrouver le rythme d’entrainement qui me manquait également. Mais aujourd’hui, la performance n’a pas la même saveur. Je priorise sur certaines courses car je n’ai tout simplement plus le temps pour tout faire. Désormais, je cours pour le plaisir, mais le plaisir passe aussi par le fait de jouer devant. Je n’ai pas prévu de date pour définitivement arrêter la compétition. Tant que je trouve le plaisir sur les épreuves, je continuerai sachant le ski alpinisme arrive aux Jeux Olympiques de Milan-Cortina en 2026. »
Le bilan des mondiaux
« Aux championnats du monde de Boi Taull en Espagne, on termine quatrième de la course par équipes avec Samuel (Equy, son coéquipier). Clairement, c’est un bilan mitigé car on avait les armes pour aller chercher une médaille de bronze. Ce n’est pas catastrophique non plus, mais on n’a pas fait la plus belle course possible. Je pense aussi que notre binôme a davantage le profil pour performer sur le championnat du monde longue distance qui aura lieu le 25 mars sur l’Adamello Ski Raid. Avec Samuel, on est désormais bien rodé. Il m’aide autant que je l’aide sur la gestion de course. Peut-être qu’au début de notre relation sportive, je pouvais donner une direction, mais c’est équilibré aujourd’hui et il est aussi meneur que moi dans le duo que l’on forme. »
La vie de père de famille
« Clairement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple à gérer (rires). Mais comme je l’ai dit, je ne considère plus que je fais du haut niveau. J’ai toujours un bon niveau, mais ce n’est plus comme avant. Je donne le maximum sur les courses qui me correspondent. Ça me laisse du temps pour la famille et pour le reste. Je travaille aussi comme guide et formateur à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme) donc il faut savoir gérer tout ça. Sur une course comme la Pierra Menta ou les mondiaux, j’affronte des athlètes qui sont professionnels à 100%, or ce n’est plus du tout mon cas désormais. »
Le soutien des partenaires
« The North Face continue de m’aider comme peut le faire également Julbo qui est un autre partenaire de longue date. Ça me permet d’avoir encore cette vie de sportif pendant six mois à l’année. C’est clairement une chance. Je suis aussi content de ne plus m’entrainer l’été, mais de faire simplement du sport pour moi, d’aller en montagne avec mes clients. »
Sa conscience environnementale
« Je ne dis pas grand-chose sur l’environnement car je considère que je ne suis pas dans une position pour donner des leçons. Evidemment, j’observe des choses avec mon métier de guide qui me permet d’être dehors tout le temps. Ça fait très longtemps qu’on voit le changement à cause du réchauffement climatique. Au quotidien, je fais du mieux possible. Pour moi, c’est naturel de manger local, d’avoir son jardin, ses poules, ses abeilles… Je le fais depuis toujours car j’ai été éduqué comme ça, en étant proche de la nature. J’essaie aussi de changer de vêtements moins souvent et de ne pas toujours avoir tout en double. Mais il est clair que quand tu es athlète de haut niveau, tu es loin d’être exemplaire. »
Son action auprès de l’ACTS (« Action Collective de Transition pour nos Sommets ») : Mathéo s’était engagé en 2020 comme d’autres sportifs à réduire de 10% chaque année ses émissions globales.
« Oui, j’avais réussi à tenir ces engagements que j’avais pris après avoir signé l’ACTS. Après, je ne calcul pas tout au gramme près, mais c’est clair que c’est un objectif aussi de faire plus local et de montrer qu’une autre façon de voyager est possible. En tant qu’athlète professionnel, on a aussi le rôle de discuter et d’échanger avec les marques qui nous soutiennent quand certaines actions nous plaisent moins. Mais je pense qu’ils n’ont pas besoin de nous pour changer les choses. Ils ont très bien conscience du problème. »
Sa traversée du massif du Mont-Blanc avec Benjamin Védrines
« C’est le genre de projet qui m’a toujours parlé. Quand j’avais 17 ou 18 ans, j’étais déjà impliqué sur ce type de challenge notamment dans la barre des Ecrins. Là, on a mis 20 heures pour faire cette traversée de 70 kilomètres et 7 300 mètres de dénivelé. On a passé une super journée. À la base, je suis passionné par la montagne davantage que la compétition. Participer à des épreuves est un prétexte pour pouvoir évoluer en montagne. »
Voir cette publication sur Instagram