Parti s’installer en Norvège dans le pays de sa femme Emelie Forsberg, Kilian Jornet a quitté l’agitation de Chamonix sans perdre le cadre qu’il aime tant et qui le fait vivre, celui des montagnes.
Il n’a que 33 ans et semble pourtant avoir déjà eu plusieurs vies. Né en Espagne à Sabadelle près de Barcelone, Kilian Jornet a tout gagné dans l’univers du trail. Il a battu certains des plus prestigieux records de vitesse d’ascension sur les plus grands massifs de la planète et a donc fait le tour de ce que le trail de compétition avait à lui offrir. Si l’Espagnol est évidemment encore loin de poser son dossard, il se réserve désormais pour quelques courses à l’année et ne cherche plus à s’aligner forcément sur les compétitions les plus prestigieuses (il ne devrait d’ailleurs pas être au départ de l’UTMB cet été).
Après avoir passé plusieurs années à arpenter les sentiers des Alpes depuis son QG de Chamonix, l’athlète Salomon a décidé de quitter la France en 2016. Direction la Norvège, pays de sa compagne et traileuse Emelie Forsberg (avec qui il a eu deux filles). C’est dans le district de Romsdal que la figure mondiale du trail s’est installée. Une région située sur la côte ouest du pays où la plus grande ville (Molde) n’est peuplée que de 25 000 habitants. Dans une vidéo de son sponsor Suunto, Emelie racontait leur vie sur place et le nouvel équilibre qu’il avait fallu trouver au sein de cette famille de quatre.
Peu connue des alpinistes internationaux, la région de Romsdal regorge pourtant de massifs superbes. C’est là que Kilian Jornet a trouvé son nouveau terrain de jeu. Si aucun sommet ne dépasse 2 000 mètres d’altitude, l’Espagnol se plaît à parcourir ce nouvel espace et à ouvrir des voies sur des montagnes dont certaines sont tellement méconnues ou inaccessibles qu’elles n’ont même pas de nom.
Jornet connaît bien les Pyrénées pour y avoir grandi pendant son enfance auprès de ses parents dont son père qui était guide de haute montagne au refuge du Cap del Rec à 2 000 mètres d’altitude. Après avoir foulé les sentiers des Alpes pendant ses plus belles années en compétition, l’ultra traileur découvre depuis cinq ans de nouveaux massifs. « Ce n‘est pas de la haute montagne, mais il y a du dénivelé » expliquait-il au journal L’Equipe quelques mois après s’être installé sur place. « Comme tu pars du niveau de la mer, tu peux vite faire des montées de presque 2 000 mètres. En montagne, ici, à partir de 500 ou 600 mètres, c‘est un terrain ouvert, tu peux aller partout. Pas besoin de sentiers. C‘est toujours des terrains comme ça, étroits, raides. Ça te fait vraiment pratiquer. » Jornet n’avait pas mis longtemps à s’adapter à ce nouvel environnement. L’année suivant son installation, il avait parcouru en un seul jour les sept sommets de Romsdalen, en skiant et en courant. Soit 77km et 9 000 mètres de dénivelé positif.
Si le trail est le sport qui l’a fait connaître au grand public, Kilian Jornet est aussi un grand amoureux du ski qu’il peut continuer de pratiquer sur place. « En Norvège, on peut skier de novembre à fin mai. Il y a vraiment de la bonne neige et jusqu‘en avril, c‘est blanc jusqu‘à la mer. Ce qui est beau, c‘est que tu peux bouger partout, il n‘y a pas un sentier à suivre. Tant que c‘est blanc, tu peux y aller. Si tu veux des conditions de neige, de glace, il faut avoir du mauvais temps. Tu ne peux pas avoir le climat du sud de l‘Espagne et en même temps des bonnes conditions de neige. Il faut savoir quelles sont tes priorités ».
Les sommets norvégiens ne sont pas aussi exigeants que ceux que l’on peut retrouver dans les Alpes ou les Pyrénées, mais certaines montagnes sont pourtant réputées redoutables à l’image du Trollveggen. Cette face verticale de 1 100 mètres est la plus haute d’Europe. En mai 2019, son sponsor Salomon avait dévoilé la première descente en ski de pente raide jamais réalisée par un homme sur cette montagne (voir vidéo ci-dessous). Kilian Jornet signait là un nouvel exploit, qui ne devrait pas être le dernier pour l’athlète qui a annoncé il y a peu la création d’une fondation à son nom (qu’a notamment rejoint le Français et autre traileur emblématique Xavier Thévenard). Il espère ainsi sensibiliser le public sur les nouvelles pratiques des sports de plein air en respectant la nature. Un principe qu’il s’est également appliqué à lui-même en annonçant son intention de limiter ses voyages en avion. L’Espagnol n’a donc pas fini d’explorer les montagnes norvégiennes.